Faut-il apprendre les démonstrations ? Pourquoi et comment ?
🎯 Objectif
Montrer pourquoi les démonstrations sont indispensables en mathématiques et comment les apprendre, les comprendre, les rédiger et les mémoriser, du collège au lycée. Le tout avec une méthode opérationnelle, des modèles de rédaction, des exemples commentés et des check-lists prêtes à l'emploi.
Idée clé : on n'apprend pas une démonstration "par cœur", mais "par idées". Cela signifie qu'on en retient le squelette logique (les étapes principales) et les outils du cours utilisés.
1) Pourquoi apprendre des démonstrations ?
- Comprendre vraiment : une démonstration explique pourquoi une propriété est vraie, pas seulement comment l'utiliser.
- Retenir sur le long terme : ce que l'on sait justifier s'ancre mieux que ce que l'on récite.
- S'orienter dans un exercice : savoir quelle propriété s'applique et à quelles conditions.
- Gagner en autonomie : on peut vérifier seul si un raisonnement tient.
- Compétences transversales : argumenter, structurer, rédiger, convaincre.
- Évaluation : au collège/lycée, des points se gagnent sur la justification, pas uniquement sur le résultat.
2) Qu'est-ce qu'une démonstration ?
Une démonstration est une chaîne d'arguments partant d'hypothèses (définitions, données, résultats connus) pour atteindre la conclusion, en justifiant chaque étape.
Différences essentielles :
- Un exemple illustre, mais ne prouve rien.
- Un contre-exemple réfute une affirmation générale.
- Une preuve établit la vérité pour tous les cas du cadre considéré.
3) Les grands types de démonstrations (collège → lycée)
- Raisonnement direct : on
part des hypothèses, on enchaîne des propriétés, on conclut.
Ex. : si n est pair, alors n² est pair. - Contraposée :
prouver « Si P alors Q » en démontrant « Si non Q alors non P ».
Ex. : si n² est impair, alors n est impair. - Par l'absurde : supposer
la conclusion fausse et obtenir une contradiction.
Ex. : il n'existe pas de plus grand nombre premier. - Par cas : examiner
des situations exclusives et couvrir toutes les possibilités.
Ex. : pour tout entier n, on distingue deux cas – n pair ou n impair – et on traite chaque cas séparément - Par récurrence (lycée) : trois
étapes – initialisation (on vérifie que la propriété est vraie pour la
première valeur, souvent n=0 ou n=1), hérédité (on suppose qu'elle est
vraie pour un rang n, puis on montre qu'elle l'est pour n+1), conclusion (on
déduit qu'elle est vraie pour tout entier naturel).
Ex. : somme des n premiers entiers naturels. - Existence / unicité : montrer
qu'un objet existe, et qu'il est unique.
Ex. : tout nombre réel a une racine carrée positive et unique.
4) Kit de rédaction : briques et connecteurs
Une démonstration se construit comme une phrase : il faut des mots pour commencer, pour relier les étapes et pour conclure. Voici quelques outils utiles :
- Entrées : « Soit… », « Supposons… », « Considérons… ».
- Appels au cours : « D'après… », « Comme… alors… ».
- Chaînage : « Donc… », « Ainsi… », « On en déduit que… ».
- Conclusion : « Par conséquent… », « La propriété est démontrée. »
5) Apprendre une démonstration : méthode en 7 étapes
- Lire l'énoncé et distinguer clairement hypothèses et conclusion.
- Identifier le chapitre ou l'outil du cours à mobiliser.
- Ébaucher un plan simple (2 à 4 étapes).
- Utiliser le brouillon : schéma, calculs, essais rapides.
- Rédiger en phrases courtes, avec justifications précises.
- Relire et vérifier que toutes les conditions sont respectées et que la conclusion est atteinte.
- Mémoriser le « squelette logique » (idées principales) pour savoir reconstruire la démonstration, y compris sous des variantes.
6) Trois démonstrations commentées
· Arithmétique : « Si n² est pair, alors n est pair. »
- Méthode : contraposée.
- Supposons que n est impair : n = 2k + 1.
- Alors n² = (2k + 1)² = 4k² + 4k + 1 = 2(2k² + 2k) + 1, donc n² est impair.
- Donc, si n² est pair, n ne peut pas être impair.
- Conclusion : n est pair. ✅
· Géométrie : « Dans un triangle isocèle, les angles à la base sont égaux. »
- Soit ABC un triangle avec AB = AC.
- On trace la bissectrice de l'angle en A qui coupe BC en D.
- Les triangles ABD et ACD sont isométriques (mêmes longueurs de côtés).
- Donc les angles en B et en C sont égaux.
- Conclusion : les angles à la base d'un triangle isocèle sont égaux. ✅
· Récurrence : « Somme des n premiers entiers naturels. »
- Propriété à démontrer : 1 + 2 + … + n = n(n+1)/2.
- Initialisation : pour n = 1, la formule donne 1 = 1×2/2, vrai.
- Hérédité : supposons la formule vraie pour
n.
Alors pour n+1 : 1 + 2 + … + n + (n+1) = n(n+1)/2 + (n+1). - On simplifie : (n+1)(n+2)/2.
- Conclusion : la formule est vraie pour tout n. ✅
7) Erreurs fréquentes… et correctifs
- Exemple ≠ preuve : donner un ou deux exemples ne suffit pas, il faut démontrer pour tous les cas.
- Conditions d'application oubliées : appliquer un théorème sans vérifier ses hypothèses (ex. : utiliser Pythagore sans triangle rectangle).
- Raisonnement circulaire : conclure en supposant déjà ce qu'on voulait démontrer.
- Étapes sautées : écrire « on voit bien que… » au lieu de justifier chaque passage.
- Conclusion absente : ne pas terminer par une phrase claire validant la propriété.
8) Comment mémoriser sans réciter par cœur
- Squelette en 5 lignes : retenir uniquement la trame logique, pas chaque phrase.
- Cartes de révision : question d'un côté, idée clé ou étape de la démonstration de l'autre.
- Reconstruction différée : relire le squelette puis reconstruire la preuve sans regarder.
- Variante : s'entraîner à rédiger avec des données ou formulations différentes.
- Explication à voix haute : se tester en expliquant la preuve comme si on l'enseignait.
9) Grille d'auto-évaluation (les 5C)
- Conditions : ai-je vérifié les hypothèses du théorème ?
- Chaînage : chaque étape découle-t-elle clairement de la précédente ?
- Cohérence : n'ai-je pas utilisé un résultat faux ou contradictoire ?
- Clarté : est-ce lisible pour quelqu'un d'autre que moi ?
- Conclusion : ai-je terminé par une phrase qui valide le résultat ?
10) Pour les enseignants : leviers pratiques
- Codes d'erreurs : symboles ou abréviations pour signaler rapidement les fautes récurrentes.
- Barème lisible : indiquer les points attribués à chaque étape, pas seulement à la conclusion.
- Modèles "squelettes" affichés : proposer des trames types de preuves pour guider les élèves.
- Micro-débats : demander « cette preuve tient-elle ? » pour développer l'esprit critique.
- Rituels Hypothèses / Outils / Conclusion : structurer chaque démonstration autour de ces trois étapes.
- Réactivation différée : revenir sur une preuve quelques jours plus tard pour vérifier la mémorisation.
11) Mémo
- Je sépare Hypothèses et Conclusion.
- Je choisis l'outil adapté.
- Je trace un plan au brouillon.
- Je rédige avec connecteurs.
- Je conclus clairement.
- Je refais la preuve sans regarder.
📌 En résumé
Apprendre des démonstrations, c'est apprendre à penser : choisir l'outil juste, enchaîner proprement, conclure précisément. On ne vise pas la perfection, mais la rigueur utile, la clarté et l'autonomie.